Mensch spirit

Le bureau, point de vue rationnel, symbolique et philosophique

Le bureau est mort, vive les bureaux !

 

  • En fait, ce qu’il me faudrait c’est un lieu isolé de la maison, un lieu pour moi, où je pourrai travailler
  • Ca s’appelle un bureau, non ?
  • Un bureau ??? Non ! Un endroit où je ne suis pas obligée d’aller !
  • Ca s’appelle tout de même un bureau, non ?

 

Extrait d’une conversation, un samedi soir, fin Mai 2020

 

 

Le bureau, du point de vue rationnel….. chronique d’une mort annoncée

 

Sur un bilan comptable d’entreprise, « le bureau »  est souvent une des premières sources de coût. Il y a le coût de la location mais aussi tous les coûts annexes. En période de crise, diminuer cette ligne budgétaire est source importante d’économie facile. Certains prévoient de diminuer la superficie, d’autre de tout fermer, radicalement.

 

Du point de vue d’une agglomération de territoires, nous observons des migrations pendulaires. Une quantité importante de population se déplace chaque jour, ce qui est source d’embouteillages, d’encombrement des transports publics et de pollution.

 

Du point de vue du travailleur, aller au bureau, c’est d’abord source de déplacement, de fatigue et donc de diminution du temps destiné aux loisirs. Mais aussi, c’est un lieu où chacun se sent observé et où la culture de l’entreprise a une emprise encore plus forte sur les individus.

 

Ces derniers mois, il a été prouvé qu’il est tout à fait possible pour une grande partie de travailleurs en col blanc de travailler depuis leur domicile. Le travail est même rendu plus efficace, plus rapide.

 

Alors, oui, d’un point de vue rationnel, le bureau source de coût, de pollution, de fatigue, de stress et d’inefficacité  a vocation à disparaitre…. Vive le travail depuis la maison !

 

 

Et pourtant, si nous changeons de lunettes,

 

 

Le bureau, du point de vue symbolique … lieu de progrès et d’émancipation

 

  • L’atelier à la maison, retour chez mes grands-parents.

 

Quand mes parents me parlent de leur enfance, le décor est celui d’un atelier de confection. Les machines à coudre sont au centre. Les adultes cousent des doublures, des cols, des pulls. Les enfants se font discrets. La maison est à l’atelier. A l’époque, on habite au travail. Et, quand on part de chez soi, on télé-travaille, c’est-à-dire qu’on emporte du travail avec soi. Tant qu’on a une machine à coudre avec soi, il y a un moyen de subsistance !

 

La séparation du lieu de travail et du lieu de vie est un véritable progrès, presque comme une proposition de passage de la survie à la vie, qui laisse la place aux loisirs.  Bien sûr lieu de travail et lieu de vie restent proches, quelques rues tout au plus, et il ne faut pas trop s’y attarder non plus !

 

Aujourd’hui ceux qui ont expérimenté le travail à domicile nous rapporte aussi qu’ils n’ont jamais autant travaillé, beaucoup plus qu’au bureau,  le travail a pris le pas sur le reste de la vie.

 

 

  • Sortir du foyer pour travailler, histoire de l’émancipation des femmes 

 

Pendant la première guerre mondiale, les femmes ont remplacé les hommes partis au combat, dans les champs ou les usines. A la fin de la guerre, elles ont commencé le long cheminement pour consolider cet acquis, celui de pouvoir sortir du foyer, prendre une place dans la société publique. De nombreux combats ont été gagné: droit de vote  (1945), droit d’ouvrir un compte en banque et de travailler sans l’autorisation de son mari ( 1969), droit de courir le marathon ( 1972 à Boston). L’émancipation des femmes est passé en sortant physiquement de leur foyer, où elles ont été confinées pendant des millénaires. Sortir du foyer c’est se libérer de la contrainte de la maison et des enfants, d’un lieu où  ‘il y a toujours à faire’. Sortir du foyer c’est aussi s’extraire du regard du mari, et goûter à la liberté.

 

Pour les femmes, travailler depuis la maison, symbolise le retour au foyer. Est-ce un chemin souhaitable ? La période de travail à la maison forcé a été plus compliquée pour les femmes que pour les hommes. Comme si une mémoire millénaire, enfouie, se réveillait et incitait les femmes à se mettre en mouvement pour des tâches ménagères et au service de leur famille, dès qu’elles étaient chez elles !

 

Ainsi, de nombreuses femmes, travailleuses indépendantes témoignent préférer travailler depuis un café ou un espace de co-working, pour pouvoir sentir pleinement ce sentiment de liberté et se concentrer sur son activité plutôt que de travailler depuis la maison.

 

 

Sortir du foyer et aller au bureau comme avant, avons-nous une troisième voie ?

 

 

Le bureau, du point de vue philosophie…. du labeur à l’oeuvre

 

En Avril 2020, au début du confinement, avec le collectif Mensch, nous nous interrogions dans ce moment inédit, sur la possibilité  de travailler sans contact. Marion Genaivre, philosophe nous a proposé un éclairage, en se référant à Hannah Arendt.

 

Hannah Arendt considère que l’activité humaine a 3 portées différentes :

1.Le travail qui vise la subsistance, le maintien en vie.

2.L’œuvre qui permet à l’homme social de fabriquer le monde humain

  1. L’action qui se réfère au sens de la vie, à vivre humainement.

 

Si le travail est une activité qui peut tout à fait se faire sans contact, à distance. Il semblerait que pour l’œuvre et l’action, les êtres humains ont besoin de se rencontrer physiquement pour que la magie de l’humanité opère, pour construire le monde souhaitable pour l’humanité. Et, pour se rencontrer, il  faut une unité de lieu.

 

De façon empirique, ces derniers mois, nous avons observé que le  travail distant est tout à fait adapté pour que le travail soit efficace.  Cependant il devient inopérant pour qu’un système soit robuste, c’est-à-dire s’adapte aux crises, aux inattendus à l’imprévu. Pendant la crise du COVID19, les soignants ont régulièrement exprimé le fait qu’ils ont réussi à traverser la crise grâce à leur agilité, leur capacité de réinvention qui est apparu grâce à leur force collective, en étant ensemble. Cela ne peut se produire que dans une unité de lieu.

 

 

 

 

Le bureau est mort, vive les bureaux

 

Pour allier les enjeux économiques, symboliques et philosophes, une des proposition serait de repenser l’espace de travail.

 

  1. Proposer à chacun un lieu de travail dédié, confortable, calme, hors de son foyer tout en étant proche pour permettre de travailler efficacement. Chacun aura la liberté d’y aller ou pas, un peu beaucoup ou pas du tout. Mais un bureau sera à sa disposition. Ce lieu pourrait être partagé avec d’autres entreprises. Plusieurs lieux différents seront donc proposées aux collaborateurs d’une même entreprises. Nous pouvons même imaginer une pollénisation locale, sur un espace géographique, entre plusieurs activités, source de serendipité. Les expérimentations comme celles menées par Orange avec la Villa Bonne Nouvelle depuis 2014 ont prouvé le confort de travail qu’apporte un espace à taille humaine où plusieurs entreprises de toutes tailles cohabitent : une place où j’ai ma place mais où je ne suis pas contraint par l’organisation.

 

 

  1. Proposer des temps collectifs de qualité, dans une unité de temps et de lieux, pour créer du lien, de l’enchantement, de l’apprentissage, de l’innovation. Ces lieux peuvent tout à fait varier d’une rencontre à l’autre. Pas besoin de points fixes !

 

 

 

Et vous, quel (s) espace(s) de travail vous permettrait d’être au mieux de vous-même ? De quel point de vue regardez vous le lieu de travail ?

 

La proposition est de de centrer les lieux de travail sur les occupants plus que sur leur entreprise. Et vous, depuis quelle perspective appréhendez vous la question des bureaux